La poésie la synthèse de tous les arts

I/ La poésie se rapproche de tous les arts, elle en est la synthèse

 

L'oralité fut longtemps un moyen d'expression majeur de la poésie. Le poème se donne à lire mais aussi à entendre. S’il s’adresse à l’oreille, c’est qu’il s’identifie à un dispositif musical :

historiquement, les Muses (déesses de la musique et de la poésie) sont associées à Apollon,

dieu des musiciens, dont la lyre accompagne les poètes. L’Iliade, d’Homère, commence par

une invocation aux Muses. Dans l’Antiquité, les aèdes sont des poètes chanteurs. Au Moyen Âge, les trouvères et les troubadours chantaient leurs poèmes de châteaux en châteaux.

Musique, récitation et performance publique sont intrinsèquement liées ;

la musicalité de la voix (la voix instrument de musique : grain, timbre, intonation) :

nombreux poèmes interprétés par des chanteurs : « Barbara » de Prévert, chanté par Barbara ;

Montand interprète des « Bijoux » de Baudelaire. De nombreux chanteurs sont des poètes

(Vian, Brassens). La poésie, qui est d’emblée musicale, se prête à la mise en musique ;

l’harmonie des sonorités : assonances, allitérations, harmonie imitative : les répétitions de sons (voyelles et consonnes toniques) apparente la poésie à la musique. Cf. la poésie contemporaine, poésie-action, performance-poetry, slam : sous forme de lectures publiques, d'improvisations ou de performances, la poésie s’appuie sur les technologies du son (montage sur plusieurs pistes, musique…) pour promouvoir une pratique poétique orale et renouer avec les fondements de la poésie chantée. Volonté de déranger les stéréotypes de la langue ;

le rythme, le tempo : musicalité du vers impair selon Verlaine (le vers court est plus adapté

aux chansons, cantiques, psaumes, odes, que le vers long, majestueux, convenant aux sujets

graves) ; la variété des mètres contribuent à la musicalité du poème ;

la composition, les formes fixes : le refrain, le pantoum, la ballade, le rondeau.

Ainsi la poésie ne prend pas seulement la musique pour thème, elle est aussi une disposition

musicale de parole.

 

Les poètes s’approprient des motifs picturaux (Verlaine et Watteau). Les peintres s’inspirent

de poèmes (Luxe, calme et volupté de Matisse, repris de « L’Invitation au voyage » de Baudelaire). Voir aussi les Calligrammes d’Apollinaire.

La poésie est peinture parlante et la peinture poésie muette.

 

rapport entre la statuaire et le blason : assembler les différentes parties d’un corps comme

on sculpte progressivement une statue ;

rapport entre la sculpture et la forme fixe, comme le sonnet, la ballade ou le rondeau.

Contraintes formelles qui confèrent un aspect monumental au poème, pétrifié en une forme

immobile, intangible, fixée dans l’espace et le temps ;

le poète travaille les mots comme le sculpteur la glaise. Gautier compare ses vers à du

marbre dans le poème « L’Art » ;

minéralité du poème qui reste dans le temps, figé dans l’immortalité d’un « rêve de pierre »

(Baudelaire). Voir aussi le « Clair de lune » (p. 71) de Verlaine : lent figement du paysage

dans le marbre. Immobilité hiératique, sacrée du poème.

 

II/ La poésie a d’autres missions qu’esthétiques

La poésie n’entretient pas seulement un rapport à l’art et à la beauté mais un rapport au monde, qu’il soit intériorisé, recomposé ou contesté.

 

la poésie comme expression des sentiments. L’épanchement lyrique : la poésie comme expression du moi intime, restitution d’un monde intérieur, évasion dans le rêve. Ex : n’importe quel poème romantique. De même, pour le symbolisme, il s’agit d’exprimer l’intériorité la plus profonde, en lien avec la Nature, le poète étant capable de découvrir et d’exprimer le grand mystère de la vie ;

- la poésie comme expérience mystique. On rappellera la hauteur de la mission assignée à la

poésie par les poètes de la Pléiade qui y voient l'émanation d'une « fureur divine » plaçant au dessus du commun le poète, mage inspiré (Ronsard).

Pour les romantiques, le poète seul peut comprendre l’harmonie qui règle les mouvements du monde. Le poète inspiré des dieux est le traducteur du bruissement de la nature et le conservateur d’un trésor sacré puisqu’il détient le langage de l’unité, de l’universelle analogie. Le poète détient la clé du monde et de l’harmonie universelle.

 

le poète transforme le monde, il est magicien, prophète, créateur de correspondances. Avec Rimbaud, « il faut se faire voyant ». Hugo, poète mage aux visions supérieures, accède à une

réalité plus profonde, à un au-delà du monde visible. Baudelaire, à la fin des Fleurs du Mal

(dernier vers), veut « plonger au fond de l’inconnu pour trouver du nouveau » ;

le poète, découvreur de symboles, recompose le monde et le dépasse, cf. les surréalistes.

 

Poésie engagée : l’artiste renonce à une position de spectateur et met son art au service d’une

cause ; le poète prend position pour témoigner, dénoncer des injustices, lorsque les droits de

l’homme sont bafoués dans différents domaines : religieux (guerre de religion, fanatisme),

politique (guerre, dictature, colonialisme), social (inégalité, injustice, misère sociale…). La

poésie exprime ou conteste les valeurs, conceptions et préoccupations du monde moderne.

Toujours ancrée dans l'Histoire (on trouve souvent des noms de lieux, de personnes ou de

dates), elle invite ses lecteurs à la réflexion ou à l'action. Voir l’éloquence de Hugo dans Les

Châtiments (1853) : le poète exhorte ses semblables à adhérer à une cause.

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